Meilleures amies

Oh souffle resplendissant
La cloche de l'école réveille mon coeur dormant
Le printemps fait doucement refleurir mes veines
Mes yeux s'entrouvrent
Mon sang s'agite au son de la cloche
Je revis sur la terre qui souffre
Fille au visage de lune
Je te vois toi et toi seule

Ces trois mots que je n'avais jamais entendus
Avant que tu les formes de ta bouche
Que tu les mâches comme de la canne à sucre
Que tu les caresses de ta langue
Que tu me les murmures enfin
J'ai juré de ne pas les perdre
Est-ce à cause d'eux que je ne peux ni dormir ni manger
Est-ce à cause d'eux que mon coeur gonfle quand je te vois
Alors mon amour oui, je t'aime

Fatiguée
Une nuit de nickel
Tu peux garder mon sang, je n'en ai plus besoin
Pave ta sombre rue de mes dents cassées
Broie mes os pour en faire du sable
Si cet homme aux pieds de plomb me laisse une fois de plus pour morte
Mon corps brisé
Mon âme trouvera le chemin
Oh nuit de nickel
Pour danser encore avec elle

J'ai émergé des ténèbres sans toi
Et chaque jour qui passe depuis n'est qu'obscurité
J'ai prié pour que les flots lavent mon péché
Et m'emporte à tes côtés ... dans l'obscurité
Et chaque jour qui passe, je refais surface
Mais au printemps, la terre nouvelle me trahie
Tu es dans mon coeur et je renais bourgeon vert
Je renais en fleur.

Ces poèmes magnifiques appartiennent à Rose et Billie. Rose a 17 ans, Billie aussi. Rose est une fille, Billie aussi. Rose est blanche, Billie est noire. Rose et Billie vivent à Philadelphie, en 1932, dans un temps de prohibition. Un soir, la musique de Billie Holliday les réunit. Pour la vie. Rose et Billie s'enfuient. Pour la ville des lumières. Billie finit dans le Delaware, Rose survit. Lily et son équipe, chargés d'exhumer leur histoire, 70 ans plus tard, vont à nouveau les réunir. Pour l'éternité.

Chaiyya Chaiyya

Expert dans le langage du coeur, le cinéma indien l'est tout autant dans celui du corps.
Dil se n'est pas seulement la traduction de son titre. Dans le langage bollywoodien, "du fond du coeur" veut bien souvent dire aussi "du fond du corps".
Dans cette séquence intitulée Chaiyya Chaiyya, les personnages se livrent à une chorégraphie du corps sans équivoque. Dans un cadre éminemment sexué : un train, des tunnels. La musique, obsédante, répétitive, lancinante, dominée par les percussions, épouse le mouvement du train, évoque le coït et son entraînant train-train.
Au commencement, la sublime ghaziya s'éveille au milieu des hommes. S'étire lascivement. Profonde, sa voix, très haut, s'élève : son appel est sans ambiguïté. La donzelle réclame du plaisir. Quand elle se lève, tous les hommes sont à genoux autour d'elle. Subjugués devant sa divine beauté. Au Shah, émerveillé, de sauter littéralement à ses pieds. Dégageant le pouvoir hypnotique d'une sirène, elle se déhanche, d'abord langoureusement, de plus en plus rapidement, de plus en plus franchement, agite ses fesses, rentre le ventre, l'exulte, attire et repousse, accueille et expulse. Ainsi de suite, donnant le la du rapport amoureux. Avec la volonté de faire tourner les têtes. Ici, à prendre au pied de la lettre tant celle de Shah Rukh et des figurants sont en quasi-perpetuel mouvement circulaire.
Quant à la chorégraphie de l'acteur, tantôt fougueuse, tantôt idolâtre, elle est toute dédiée à répondre aux invites incessantes de sa partenaire.


Daniela


On aurait tort de sous-estimer la valeur de Cold Case. Davantage que la somme de simples whodunits, Cold Case n'est pas une série policière comme les autres. Loin de tout manichéisme, la série est toute entière dédiée à rendre hommage aux victimes. A les exhumer de l'oubli. A leur donner un nom : le leur. En mettant justement un nom et un visage aux responsables de leur disparition. Et si les victimes de Cold Case ont beaucoup de choses à dire, c'est aussi parce qu'on n'a guère l'habitude de les entendre ailleurs. Preuve en est Daniela. Daniela est un joli brin de fille porto-ricaine. Sauf qu'elle est un garçon. Ne l'appelez plus Edwin. Tel est son parcours. Telle est sa tragédie. Pas parce qu'elle est fille dans sa tête mais parce que le monde ne la verra jamais comme telle. Un soir, James rencontra Daniela qui faisait la manche. L'imposture physique révélée, l'histoire d'amour, en d'autres lieux, en serait restée là, aurait muté en histoire de haine meurtrière. Mais pas dans Cold Case. Daniela, c'est l'histoire de James qui a vu Daniela et non Edwin, qui avait conscience qu'elle était ce qui pouvait lui arriver de mieux. Une lucidité exprimée un bref instant trop tard. Daniela, c'est également l'histoire d'une brève trahison. Celle d'intimes funérailles aussi. Toujours à l'abri des regards. Tel est son parcours. Telle est sa tragédie.
Récurrents dans la série, la culpabilité, le remords et la rédemption participent au travail d'exhumation. Enterrées dans d'imposantes et poignantes archives, les affaires en question gagnent ainsi en véracité et en intensité. Enterrées trop tôt ? Pas toujours. Le temps est parfois le gage d'une rédemption réussie, elle en est d'autant plus émouvante. Exhumer ces affaires non élucidées n'est donc pas seulement l'affaire de Lily Rush et de ses collègues. Dans le cas de Daniela, il s'agit de mettre un nom sur un carton et d'y adjoindre un visage. Lily Rush choisira celui de Daniela. Et c'est à James que Daniela reservera sa cathartique apparition. Daniela qui l'accueillera avec une danse et un magnifique sourire. Un sourire bouleversant et inoubliable.

Ivan



Reflets d'Ivan...
Reflets de Tarkovski

Land of the dead



L'ouverture de Land of the dead relève de la poésie. Dans un jardin anglais joliment apocalyptique, des zombies déambulent, d'autres, en concert, s'essaient à la musique de chambre, les premiers semblant apprécier les tentatives artistiques des seconds.
Les zombies de Land of the dead sont en quête de leur âme perdue, leur attirance pour les "fleurs célestes" (des fusées éclairantes destinées à faire diversion) en témoigne. Big Daddy, le pompiste révolutionnaire, prolongement de Bub, ne les voit déjà plus, tout occupé à défendre son territoire. Big Daddy n'est plus distrait par les chimères. Il entend faire évoluer son espèce, au besoin en mettant un M16 dans les mains d'une de ses congénères. Les zombies ne s'attardent déjà plus sur leurs ennemis et leur consommation.
Dans Land of the dead, les vivants, eux, ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes, signalés par des jeux d'ombres horrifiques. Car les vivants reclus dans une cité fortifiée, régime Metropolis, ont oublié que les zombies étaient waterproof.

Les roploplos de Faye Valentine



C'est dit, et c'est la grande frustration de notre vie de cinéphage (Watanabe nous en ayant fait baver tout au long de la série), on ne verra pas les mirobolants (synonymes de mirobolants : extraordinaires, exceptionnels, inhabituels, étonnants, rares, bizarres, étranges, extravagants, abracadabrants, incroyables, invraisemblables, époustouflants, merveilleux, fabuleux, fantastiques, surnaturels, admirables, magnifiques, miraculeux, mirifiques, prodigieux, stupéfiants) roploplos de notre héroïne préférée, l'éminemment sexy Faye Valentine alias Space Gipsy, alias l'emmerdeuse galactique ("Pourquoi elle est pas née muette ?").
C'est pas nouveau, la série l'ayant maintes fois mise dans de scabreuses et intolérables situations (Watanabe lui a fait connaître les joies du bondage à maintes reprises, Watanabe lui a appris à nager dans les toilettes du Bebop, Watanabe lui a fait connaître toutes les positions, toutes les contorsions, toutes les expressions d'un corps humain en cellulo, donc infinies), Faye Valentine est en facheuse posture lorsque le grand méchant du film commence, pour notre plus grand plaisir salace, à l'effeuiller en découpant son légendaire et alléchant maintien. Hélas, dix mille fois hélas, l'idiot avait autre chose en tête, l'idiot avait d'autres visées que la poitrine de Miss Valentine.
Watanabe est un misérable.
Voilà, il fallait que tout cela soit dit.
Prochain épisode : le popotin et les guiboles de Faye.


Zombie


Au début du film de Romero, les villes sont sur le point de tomber tandis que les campagnes en sont encore à jouer au ball-trap. Quand les morts reviennent sur Terre, il n'y a plus de place pour les vivants. Quant aux survivants, il faut qu'ils trouvent refuge dans un haut-lieu de sur-consommation, un centre commercial géant, très vite débarrassé des géneurs qui l'arpentaient en souvenir de leur sur-consommation passée. 
La sympathie de Romero va aux morts-vivants. Le zombie ne se nourrit pas de ses semblables. Mu seulement par un instinct de conservation, le zombie respecte l'environnement, il fait dans le bio-dégradable. 

Rome



La Rome de Milius met en scène les aventures de Pullo et Vorenus, qui, davantage que celles de César et Pompée, valent tous les livres d'histoire. Dans un lit, dans un enclos pour esclaves, dans une arène, les petites histoires valent ici plus que la grande.
Milius le grand forgeron fait taire la tragédie épique de Conan pour celle, infiniment pudique et poignante, de cet enfant gaulois réduit en esclavage qui, le regard hébété, reste blotti contre le corps putréfié de sa mère morte de dyssentrie. Pour celle du chef gaulois Vercingetorix qui, après avoir été étranglé en grandes pompes lors du sacre de César, voit son corps jeté en patures dans une porcherie, puis, à la nuit tombée, s'en voit soustrait par des esclaves gaulois pour d'émouvantes et dignes funérailles. A la lueur des flambeaux.
La première saison de Rome ne se clôt pas sur l'assassinat de César, mais sur une belle image, celle montrant Pullo le vétéran des guerres de César (une brute au coeur tendre, une projection de Milius) s'en aller, main dans la main, avec la belle Irène. La belle affranchie.