Soy Cuba


Soy Cuba

Je suis Cuba. Une fois, Colomb débarqua ici. Il écrivit dans son journal : "C'est la terre la plus belle que des yeux d'humains aient contemplée". Merci, Senior Colomb ! Quand vous m'avez vue pour la première fois, je chantais et riais. Je saluai les voiles avec mes palmes. Je crus que vous m'apportiez le bonheur. Je suis Cuba... Mon sucre, les caravelles l'emportaient ... mes larmes, elles les laissaient. Quelle chose étrange que le sucre, Senior Colomb. Que de larmes en lui. Pourtant, il est doux.

Soy Cuba s'ouvre sur une séquence d'inspiration divine, belle à couper le souffle : la caméra survole et explore un paysage de rêve (la mer, des palmiers immaculés) encore vierge, pénètre ensuite, délicatement, dans les terres, parmi les humains. Ces plans liminaires, sublimes et souverains, racontent la Création du monde et la Naissance de la Vie. Une voix off, magnifique, entraîne le spectateur dans un maelström d'images et de plans stupéfiants, au coeur d'un poème hédoniste et panthéiste, décliné en quatre sonnets, emporté par une mise en scène qui a oublié la pesanteur.
Sous couvert d'un film de propagande commandité, Mikhail Kalatozov nous conte un Cuba plein de grâce et de vie, autant dans la misère qui frappe les petites gens, que dans la dolce vita fascinante des touristes ou celle, attachante, des Cubains. Avant de conclure l'une de ses histoires sur un cortège funèbre plein d'émotion dans un plan séquence vertigineux et inoubliable.

Pour tout cela, Soy Cuba est un film précieux et essentiel.

Happy ending



 J'ai pas fait exprès, c'est parti tout seul.

Tout un symbole du cinéma masturbatoire et orgasmique de Tarantino qui, outre des distorsions temporelles créées pour accroître le plaisir du spectateur, provoque aussi des explosions multi-sensorielles. L'un des ses feux d'artifice se déroule au Jackrabbit' Slim, lieu magique et décor de cinéma déjà mythique. Le paradis de Tarantino, selon Tarantino, qui convoque ses nombreuses icônes, ses nombreux fantômes.

Les fictions pulpeuses de Tarantino, c'est le pied intégral.

Blade Runner (version 1982)



J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire, de grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion, j'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C briller dans l'ombre de la porte de Tanahauser. Tous ces moments se perdront dans l'oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir.

Tout commence par un regard qui renvoie au spectateur ébahi un décor grandiose, personnage et message du film de Ridley Scott.
Dans Blade Runner, de gigantesques cheminées crachent du feu, des dirigeables porteurs de slogans publicitaires vantent l'aventure spatiale et coloniale en planant au-dessus des rues, d'immenses rétro-projecteurs animent les façades des immeubles, des pyramides ocres plantent le décor, des néons envahissent la ville plongée dans une nuit perpétuelle, des voitures étincelantes s'élèvent au-dessus des rues saturées pour cotoyer les gerbes de feu, pour slalomer entre les immeubles et atterrir sur leurs toits, des chants Heike bercent le sommeil de ses habitants, rythmant le jeu de cache cache entre Batty le loup et Deckard le chien.

Kill !


En quelques mots, Tabata résume le propos du film, qui est de dénoncer le monde faux et impitoyable des samouraïs, décrits comme de simples pantins, leur loyauté aveugle ne servant en réalité qu’à asseoir les ambitions personnelles de chefs de clans sans conscience. Le message du réalisateur est clair et sans appel : le code d’honneur des samouraïs est caduque car il n’a aucun sens et la voie du samouraï n’est donc qu’un leurre. 
Kill ! conte les (més)aventures d’un paysan, Tabata Hanjiro dit le bouseux, qui a vendu sa terre pour acheter un sabre et devenir samouraï. Genta, lui-même ancien samouraï, désormais désabusé et yakuza vagabond, essaiera de l’en dissuader.
Campés par Tatsuya Nakadai et Etsushi Takahashi, Genta avec sa gueule de chien battu et Tabata avec sa gueule d’ahuri, forment un duo détonant.
A travers cette fable ironique, Okamoto, comme son aîné Kurosawa dans Les sept samouraïs, désigne le camp du seul véritable vainqueur, celui des paysans (le monde vrai et franc), quand leur fête finale met un terme à l’affrontement entre les deux factions d’un clan, et lors d’une scène hilarante, qui montre Tabata devenir littéralement fou de désir pour une prostituée, qu’il avait dans un premier temps délaissé (parce que trop grimée, parce qu’elle “ne sentait pas assez la terre”), lorsqu’il découvre que ses mains sont en réalité celles d’une ancienne paysanne qui ont déjà tenu une bêche et labouré !
Portée par la fabuleuse balade de Maseru Sato, la pantalonnade se clôt sur l’un des finals les plus beaux, les plus généreux, les plus humanistes de l’histoire du cinéma. Rien de moins.